Comment transformer une idée solidaire en projet entrepreneurial innovant ? Avec Julien Gauthier

Comment transformer une idée solidaire en projet entrepreneurial

Il y a sept ans, Julien Gauthier décide de créer un groupe Facebook pour faciliter la mise en relation entre saisonniers agricoles et employeurs. Une initiative née de l’observation d’un besoin criant : la difficulté récurrente pour les uns de trouver du travail, pour les autres de recruter du personnel. Ce qui n’était au départ qu’un simple groupe d’entraide est devenu en quelques années une communauté de 280 000 membres, attirant chaque mois près de 4 millions de visiteurs, bien au-delà des frontières françaises. Fort de ce succès, Julien franchit aujourd’hui une nouvelle étape avec le lancement de Freemind, une application dédiée aux travailleurs saisonniers de tous secteurs pour révolutionner l’emploi saisonnier et leur faciliter la vie.

Comment transformer une initiative solidaire en une entreprise ambitieuse sans perdre son âme ni dévier de sa mission sociale ? C’est le défi que s’est lancé Julien Gauthier.

Puiser l’inspiration dans la communauté

J. G. : « En 2018, j’étais en formation dans la viticulture et l’arboriculture. On discutait beaucoup des difficultés du secteur. Je les connaissais déjà bien, car avant, j’étais moi-même saisonnier : la difficulté pour les travailleurs saisonniers de trouver du travail et pour les patrons de trouver du personnel.

J’entendais aux informations qu’à chaque période de saison, pour les légumes ou l’entretien des champs, c’était toujours la même problématique.

C’est là que j’ai décidé qu’il fallait que je fasse quelque chose pour aider. Et j’ai créé un groupe Facebook pour les saisonniers agricoles.

Un groupe Facebook à l’ampleur inattendue

En un an, nous avions déjà 50 000 membres. C’était la preuve qu’il y avait un vrai besoin de se regrouper, de communiquer, de s’entraider.

Aujourd’hui, nous sommes 280 000 membres, alors qu’il y a 270 000 saisonniers agricoles en France. Le groupe s’est même étendu à l’Italie, l’Espagne, la Belgique, avec des travailleurs de tous ces pays qui viennent en France.

Il y a du monde qui vient parce qu’ils savent que, s’ils ont besoin de travail à un moment donné, ils peuvent en trouver dans ce groupe. C’est ce que les gens me disent quand je les croise. J’ai même rencontré des Italiens qui m’ont dit “On a plein de copains qui sont sur ton groupe”.

C’est une satisfaction personnelle de voir qu’on fait quelque chose pour aider les autres et que ça marche. C’est vraiment gratifiant.

L’envie d’aller plus loin qu’une entraide

En octobre 2024, quand j’ai regardé les statistiques du groupe, j’ai découvert qu’il y avait environ 4 millions de personnes qui venaient chaque mois. C’est un groupe public, même les non-membres peuvent interagir.

4 millions de visiteurs mensuels pour 270 000 saisonniers agricoles en France !

C’est là que j’ai compris qu’il fallait aller plus loin.

Je me suis dit : “C’est juste un groupe de saisonniers agricoles que tu as fait là, tu pourrais t’élargir.” J’ai regardé s’il existait une plateforme, un outil plus professionnel pour ces gens-là. Il y a Indeed, HelloWorks, mais c’est beaucoup trop global. Les saisonniers n’ont pas leur place sur ces plateformes. C’est pour ça qu’ils sont là, sur mon groupe.

Alors j’ai eu l’idée de créer une application pour tous les saisonniers. »

La vision entrepreneuriale portée par une mission

J. G. : « J’ai été saisonnier en restauration et en agriculture. J’ai vécu la précarité, l’intérim, l’absence de stabilité.

Le déclic pour moi, ça a été ce moment-là au supermarché avec mon fils : j’avais 20 euros dans la poche pour faire les courses de la semaine. Autant dire qu’on fait très attention à ce qu’on achète avec 20 euros pour la semaine. À ce moment-là, j’étais dans une période très difficile. J’ai dû demander à la caissière d’enlever des articles parce que je n’avais pas assez.

J’ai toujours cette vision-là et c’est ça qui me porte à être autodiscipliné et à réussir. Je ne veux plus jamais revivre ce moment-là. Plus jamais. Et je ne le souhaite à personne. C’est ça ce qui me motive.

Faire reconnaitre ces travailleurs libres

Ces travailleurs sont très souvent mal vus, alors que ce sont de très bons travailleurs. Ils sont présents au moment où il faut, ils font beaucoup d’heures dans des métiers qui ne sont pas faciles.

Pour moi, c’est vraiment un choix de vie qu’ils font. Les gens disent qu’ils n’ont pas de stabilité, mais leur prétendue instabilité est en réalité leur force d’adaptabilité. Cette capacité d’adaptation, ce n’est pas donné à tout le monde.

Je veux vraiment les crédibiliser, les mettre en avant et leur donner un quotidien plus serein par rapport aux banques, aux assurances, aux propriétaires de logements.

D’ailleurs, je n’aime pas le terme précaire, je préfère parler de travailleurs libres. C’est pour ça que l’application s’appelle Freemind – l’esprit libre.

Répondre aussi à un besoin des employeurs

Pour les recruteurs aussi, ils sont toujours dans l’inquiétude. Ils ont toujours été dépendants du temps qu’il fait. C’est encore plus compliqué maintenant, car les saisons bougent avec l’environnement.

Ils sont sur le qui-vive : “Est-ce que je vais avoir assez de personnel ? C’est maintenant qu’il faut y aller. Demain, c’est trop tard, demain je perds toute ma récolte.”

Je veux les rendre plus sereins, qu’ils se disent “c’est bon, cette année il y a Freemind, je sais que mon personnel sera là parce que j’ai posté mon offre d’emploi.”

Une vision claire et ambitieuse

En 2025, j’ai créé l’entreprise et j’ai demandé un financement à la banque qui a été accepté.

Ce financement me sert à avoir une agence de communication pendant un an, et un développeur qui crée l’application.

La stratégie, c’est de commencer par aborder les associations au niveau local, parce qu’on sait très bien que les grosses structures ont des satellites partout. J’ai déjà démarché l’UMIH 32, l’union des métiers de l’hôtellerie. J’ai aussi approché l’ANEFA, la structure de recrutement de la chambre d’agriculture.

Ensuite, je sais où je veux aller. Je veux m’ouvrir sur l’Europe. Dans cinq ans, je veux être numéro un en Europe sur l’emploi saisonnier. Tous les saisonniers et les travailleurs libres seront Freemind.

J’ai une mission pour ces 4 millions de Français, ces 10 millions d’Européens. Ces gens en ont besoin. »

Devenir une référence par la force de la communauté

J. G. : « L’agence de communication avec qui je travaille a créé une stratégie qu’ils viennent de lancer. On est présents sur Instagram, Facebook et LinkedIn. Ils ont très bien compris notre vision et les outils qu’on voulait apporter.

Quand on lance un nouveau produit qui n’est pas connu, ce n’est pas évident. Pour faire connaitre les nouvelles pages, il faut les partager, il faut que d’autres partagent aussi. C’est un effet boule de neige qui se fait vraiment petit à petit.

Sur LinkedIn, j’ai créé un profil, mais il faut encore que je le personnalise davantage. Je veux expliquer pourquoi j’ai créé Freemind, les problèmes que j’ai rencontrés… Mais c’est difficile, car je ne sais pas me vendre.

La difficulté de passer d’une communication personnelle à une prise de parole entrepreneuriale

Sur le groupe Facebook, je me suis rendu compte que, quand l’agence publiait, c’était moins bien perçu, ça faisait trop publicité. Alors j’agrémente leurs publications avec mon profil d’administrateur : j’ajoute un message personnel pour dire “c’est pour vous que je le fais”. Ça commence à réagir, même si c’est encore timide.

Cette communauté, ces gens-là pour qui on veut faire ce projet, c’est eux qui nous portent. Il faut être dans l’écoute, s’adapter à leur feedback. On peut avoir la vision, mais il faut toujours rester à l’écoute de ceux pour qui on le fait. Garder le cap parce qu’on sait où on veut aller, mais on y va avec eux. Ils montent dans le bateau et on est responsable des gens qui sont dans le bateau. »

Trouver sa voie entre authenticité et notoriété 

J. G. : « Je veux être sur les réseaux différemment maintenant, plus pour porter ma vision que pour un aspect privé. Car j’ai compris où je voulais aller, j’ai compris ma mission.

On nous dit souvent quoi faire sur les réseaux, mais on ne nous dit pas assez comment le faire. On nous dit “il faut faire comme ça pour être vu, pour être reconnu”, mais le comment doit s’adapter à chaque personne.

J’aime l’idée de ne pas faire comme tout le monde, mais de le faire avec son propre ressenti, son authenticité. C’est important de garder des racines qui me rappellent qui je suis.

En même temps, rencontrer tous ces patrons qui ont fait des études de commerce, ce n’est pas du tout le même monde. Moi, je suis un saisonnier, un gars qui a mis la main dans la terre. C’est très difficile pour moi de communiquer avec eux, d’élargir ma zone de confort, de sortir de là. J’ai un peu le trac.

Je sais que ce projet peut me faire connaitre nationalement, et j’ai de l’appréhension sur ça. C’est normal, vu d’où je viens. La notoriété, ça peut aussi être compliqué à vivre, en fait.

Notre ambition de devenir numéro 1 en Europe sur l’emploi saisonnier, ça va élargir ma zone de confort, dans le sens où je ne vais pas être à l’aise à certains moments.

Je sais qu’il va falloir que je garde la tête froide, que je reste moi-même, que je reste humble. Je sais que c’est un second travail, un travail sur moi. Je suis dans la phase du syndrome de l’imposteur, je sais qu’il faut la surmonter.

Ça me réveille même la nuit en me disant “Qu’est-ce que tu fais là, t’as peut-être rien à faire là”. Je sais que je vais passer ce cap, mais qu’il faudra que je garde la tête froide, que je me maintienne pour garder le juste milieu.

Une légitimité née de l’expérience

Aujourd’hui, je vois que la notoriété est déconnectée de la compétence. On oublie les faits et on est plus sur le paraitre. Moi, je n’ai plus envie de prouver quoi que ce soit à qui que ce soit sur les réseaux. Ce n’est même pas de l’envie, je n’en ai pas besoin et je n’ai rien à prouver à personne.

Je suis légitime dans ce que je dis parce que j’ai un groupe Facebook qui le démontre. Ces gens sont là et tous les jours, ils interagissent et ils postulent. Tous les jours, des gens déposent leurs candidatures sur le groupe, je m’en occupe pour les valider.

Je suis responsable de ce que je vais leur donner. Si quelque chose ne fonctionne pas bien, je devrai l’adapter pour que ça fonctionne bien. Par exemple, si je leur donne un outil pour aller voir une banque pour un microcrédit et que je vois que la banque refuse parce que ce n’est pas assez crédible, je devrai adapter l’outil pour le rendre plus crédible.

Ce projet, ce n’est pas quelque chose où on se lève un matin en se disant “je vais faire ça parce que je trouve que c’est bien”. C’est vraiment fondé et basé sur un besoin réel. »

Sources d’inspiration et vision de la réussite

J. G. : « Il y a six mois, je ne lisais pas. J’avais lu un seul livre en 37 ans. Depuis octobre 2024, j’en ai lu plus d’une dizaine.

Ce n’est pas la lecture qui est difficile, c’est trouver ce qui nous inspire. J’ai beaucoup aimé Karma Sutra de Steve. C’est un livre qui m’inspire beaucoup. Il se lit très facilement et m’a aidé à me recentrer sur moi-même. Le narrateur raconte sa vie, par où il est passé, et nous ramène à la simplicité de ce que nous sommes. Toutes les étapes de nos vies nous sont propres et il faut garder confiance en nous.

En ce moment, je lis Gagner de Tim Grover, le coach de Michael Jordan. Comme je disais tout à l’heure, on nous dit quoi faire, mais on ne nous dit pas comment le faire pour nous-mêmes, par rapport à nous même.

J’écoute aussi beaucoup de podcasts d’entrepreneurs, notamment “Le Déclic” d’Alec Henry. Ils partagent leur vie, leur vision, leurs erreurs. Ce sont vraiment des podcasts qui disent la vérité. Ils racontent par où ils sont passés, et ça, c’est intéressant parce que ça ramène à la réalité.

La routine du matin pour voir le monde avec recul

Dan Loysier est mon mentor. C’est lui qui m’a conduit vers certaines routines, qui m’a donné ses outils.

Je me lève à 5 h du matin, quelle que soit l’heure à laquelle je me couche. Je fais un réveil physique, une méditation, puis je déjeune. J’ai aussi commencé un bullet journal. Ce n’est pas facile, car c’est une discipline quotidienne, mais ça m’apporte énormément pour la vie de l’esprit.

Cette routine du matin est super importante, car elle se fait avant le lever du jour, quand tout le monde dort. On se sent ailleurs à ce moment-là, pas coupé du monde, mais extérieur au monde, ce qui permet de le voir avec une autre vision. On prend vraiment plus de recul.

Sans le faire, on ne peut pas l’imaginer. C’est comme si tout était arrêté et qu’on pouvait avoir le contrôle de certaines choses à ce moment-là – le contrôle de la routine, de ce qu’il y a à faire dans la journée. On anticipe.

C’est magnifique, ce moment de la journée. »

Sa vision de la réussite

J. G. : « Quand est-ce que je dirais que j’ai réussi ?

Quand je serai millionnaire ? Non. Bien sûr, l’argent est important. Dans la vie, on a plein de rêves, on veut faire plein de choses, aider des gens, des associations. On a tous une partie de nous qui rêve de ces choses-là. Et je pense que l’argent est important là-dedans.

Beaucoup disent que l’argent c’est sale, mais moi j’ai une autre vision. Pour moi, l’argent permettrait d’être libre, de réaliser tous mes rêves.

Ayant un enfant, je veux pouvoir lui apporter cette liberté aussi. Dans cinq ans, s’il me dit “Papa, je veux partir à l’étranger faire mes études”, je veux que ce soit possible. Ma vie fait que j’ai anticipé beaucoup de choses et que j’anticipe même les études de mon fils. Je suis propriétaire de quatre appartements aujourd’hui, alors qu’il y a trois ans, j’en avais zéro.

L’argent, ça fait partie de la réussite. Mais surtout, je pourrais dire que j’ai réussi quand je n’entendrai plus les gens dire que c’est difficile de vivre la vie de saisonnier, quand les patrons ne diront plus que c’est difficile de trouver du personnel. Le jour où j’entendrai “c’est facile, il n’y a plus de problème avec ça, merci Freemind, merci Julien”, là, j’aurai réussi. »

Retrouvez

Merci, Julien Gauthier !

Son parcours nous prouve qu’il est possible de concilier impact social et ambition entrepreneuriale sans renier ses valeurs. De son groupe Facebook créé pour aider les autres à Freemind qui ambitionne de révolutionner l’emploi saisonnier en Europe, chaque étape s’est construite naturellement, guidée par une mission claire et tournée vers les autres.

À vous, entrepreneurs, de vous inspirer de cette approche pour rester vous-même tout en développant votre notoriété. Travaillez sur vous-même, gardez vos racines et restez à l’écoute de votre communauté. La réussite ne se mesure pas au bruit que l’on fait, mais à l’impact réel que l’on a.

Sylvie Massy Plume des dirigeant, miniature

Je suis Sylvie Massey, plume des dirigeants et des entrepreneurs qui veulent gagner en notoriété. Je les aide à faire rayonner leur entreprise, notamment sur LinkedIn, grâce à ma plume.

Partenaire stratégique, je rédige pour vous. Ou plutôt avec vous. Car comme dans un 4 mains au piano, chacun a sa partition. Et ensemble, nous œuvrons pour faire rayonner votre entreprise sur LinkedIn.

À travers ces entretiens, j’explore avec mes invités la notion de notoriété et l’impact de l’écriture sur leur business.

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